Le syndrome des 4 derniers kilomètres

A un peu plus d’une semaine de mon départ pour le chemin de Compostelle par la Via Podiensis (Puy-en-Velay – Cahors), je ne peux m’empêcher de revenir sur les leçons apprises au cours de mon précédent chemin qui, en 2013, m’a conduit de Saint-Pied-de-Port au Cap Fisterra en passant par Saint-Jacques de Compostelle. Ce n’est pas qu’une question de nostalgie même si ça lui ressemble. C’est simplement que, depuis mon retour, ma carte du monde a beaucoup changé et Compostelle n’y est pas pour rien. Bien au contraire

J’ai évoqué dans un précédent article de mon blog, quelques leçons apprises sur le chemin. Je reviens ici sur l’une d’elles que j’ai nommé le « syndrome des 4 derniers kilomètres ».  Quand on effectue une longue course, que ce soit en marchant ou en courant, les derniers kilomètres semblent toujours interminables. J’ai expérimenté cela pour la première fois au cours de la marche « Nancy-Metz » à laquelle j’avais participé en 2012 en préparation de mon Chemin de Compostelle de 2013. Je n’avais jamais marché 66 km d’une traite. Beaucoup de participants ont abandonné en chemin, sujets aux ampoules et autres crampes et autres douleurs. D’autres ont choisi de continuer, pas forcément  parce qu’ils souffraient moins que les premiers même il s’en trouvait peut-être dont le niveau d’endurance faisait qu’ils parvenaient à conserver leur douleur à des seuils supportables. Une grande majorité avançait avec ses bobos. En ce qui me concerne, j’ai la chance de ne pas souffrir d’ampoules aux pieds mais une racine mal intentionnée et mal positionnée sur laquelle j’avais buté m’a saccagé le gros orteil du pied gauche avec une douleur qui allait crescendo. Durant cette marche, les 4 derniers kilomètres m’ont paru interminables. A quoi est dû ce phénomène ?

Mes lecteurs férus de psychologie ou de neurosciences sauront peut-être trouver des explications scientifiques à ce phénomène. Mon explication est la suivante: le panneau indiquant l’arrivée dans 3 ou 4 km fait naître un espoir dans l’esprit de celui qui marche ou qui court. Il se projette à la fin de ses souffrances. Dans quelques minutes ce sera la délivrance. Un petit calcul vite fait dans la tête : j’avance à tant de km à l’heure. Donc j’arriverai dans tant de temps. Mais hélas, il se produit plusieurs choses :

  •  Le marcheur ou coureur ne marche pas forcément à la vitesse qu’il croit ! Etant focalisé sur son objectif qui est de terminer sa course, il ne ressent presque plus ses douleurs mais son organisme, lui, est fatigué et ne peut plus assurer physiologiquement la vitesse du début.
  •  Le fait d’anticiper le soulagement rend l’attente d’autant plus terrible : on regarde plus attentivement tous les panneaux intermédiaires et on scrute plus souvent sa montre.
  •  Il se produit comme une espèce de « distorsion du temps » chère aux hypno-praticiens. Le temps ressenti ne correspond plus au temps réel. C’est le résultat d’une transe induite par les mouvements du corps qui se meut automatiquement et le cerveau qui n’arrive plus à mouliner comme il faut. 

Ce qui se produit dans une situation de course ou de marche peut également arriver quand on se fixe un objectif dans la vie. Après avoir fourni un effort intense et qu’on se sait proche de l’objectif, on peut devenir impatient et pester contre le temps qui s’allonge. On a parfois l’impression que l’objectif nous nargue en s’éloignant. On regarde plus souvent le calendrier au fur et à mesure qu’on se rapproche de la « deadline ».  Et enfin, on arrive au  bout. Mais est-ce vraiment le bout ?

En mai 2012, à la fin de la marche Nancy-Metz que j’ai effectuée en 12 heures, j’ai souffert énormément pour aller du point d’arrivée de la course jusqu’à ma voiture qui était garée dans un parking à 200m de là. J’avais le corps complètement endolori. Et une fois dans la voiture, ce n’était pas fini. Il fallait  conduire jusqu’à la maison ! 

Comme quoi, ce qu’on croit être l’objectif n’est peut-être que l’arbre qui cache la forêt ! 

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