Chemin de Compostelle, Voie d'Arles, Juin-juillet-2020

Je suis de retour à Thionville depuis une semaine. Pour celles et ceux qui aiment les chiffres, j'ai parcouru +/- 728 km à pied pendant 28 jours, soit une moyenne de 26 km par jour. Mais ce n'est pas cela le plus important. Une fois de plus, le Chemin de Compostelle m'a appris beaucoup de choses et conforté des apprentissages issus de mes précédents Chemins. Je suis parti d'Arles le mardi 23 juin et j'ai marché jusqu'à Oloron-Sainte-Marie. J'ai vécu différentes expériences que ceux qui sont en contact FB avec moi ont pu suivre au jour le jour. Dormir chaque nuit dans un lieu différent, défaire et refaire son sac tous les soirs et tous les matins, ne pas savoir où j'allais dormir certains jours et ne dormir que d'un œil parce que je ne me sentais pas en sécurité certaines nuits: ces expériences m'ont appris l'abnégation. L'expression "à chaque jour suffit sa peine" a vraiment pris tout son sens durant ce périple.

La nouveauté sur ce Chemin c'est la traversée des grandes villes comme Montpellier et Toulouse et des villes moyennes comme Castres et Auch. Dans ces villes j'ai expérimenté la vulnérabilité de celui qui n'est pas comme tout le monde. Avec mon sac-à-dos, mes bâtons de marche, mes chaussures crottées, ma casquette qui jadis fut noire je faisais un peu désordre sur les trottoirs étroits de Toulouse et certains passants me le faisaient remarquer. Dans cette autre petite ville, ou plutôt un grand village, quand je me suis installé sur un banc public pour manger ma pizza et que j'ai offert une tranche à un clochard dont j'avais probablement "piqué" la place, j'ai observé des regards de désapprobation de certains passants. Le clochard est resté debout à côté de moi, n’osant pas s’asseoir. Il a refusé de prendre une deuxième part de pizza. Il m'a dit: "je vous en prendrai plus la prochaine fois, pour l'instant je dois aller chercher des toilettes". Il savait bien qu'il n'y aura pas de prochaine fois. A moins que ... Je me suis senti mal quand j'ai vu des tentes similaires à la mienne plantées aux  abords de Toulouse près du canal du Midi, tentes dans lesquelles vivaient apparemment des gens dont c'était le domicile « provisoire ». Pendant que je jouais à me faire peur à dormir dans une tente, d'autres y passaient leur vie. J'avais aussi mes moments de fierté comme quand j'ai aidé une personne âgée qui est tombée de son vélo à se relever et à se remettre en selle. Cette personne m’a promis de me téléphoner quand elle arrivera chez elle. Et elle l’a fait.

Une fois de plus, j'ai ressenti le bonheur de poser mon sac, un bonheur léger qui fait pousser des ailes à quiconque l’expérimente au propre comme au figuré. Quand on pose son sac, le corps est un peu désemparé et se demande ce qu’il se passe. Les premiers pas sont un peu hésitants. On a peur de s’envoler. Et puis, tout doucement, on ressent cette fraîcheur dans le dos, à l’endroit où repose habituellement le sac, fraîcheur qui agit comme une tape pour dire au corps : « c’est bon les gars, on a quelques minutes de répit, profitons-en » !

Le contexte sanitaire a fait qu’il n’y avait pas beaucoup de Pèlerins sur ce Chemin. Je n’ai pas fait beaucoup de rencontres. J’ai surtout rencontré des jeunes : une jeune femme de 29 ans spécialisée dans des interventions humanitaires dans des zones « difficiles »  (Syrie, Irak, Birmanie, Bangladesh, Soudan , Corne de l’Afrique… ) qui faisait le Chemin en attendant sa prochaine mission ; un jeune Italien de 24 ans originaire de Rome, un jeune Russe polyglotte qui parle cinq langues dont le français et un couple de jeunes Sud-Africains. Je faisais office de « patriarche » devant cette bande de jeunes surtout le soir où on est tous descendu dans le même gîte, soir où Luigi le jeune Italien nous a préparé des spaghettis  délicieux !

J’ai appris à écouter mon corps, « mon équipe ». Mes pieds n’ont jamais été aussi chouchoutés que sur le Chemin. J’ai appris l’humilité : il m’est arrivé plusieurs fois d’aller frapper à la porte des riverains du Chemin pour demander qu’on me remplisse ma gourde. J’ai perfectionné ma technique de méditation en marchant, j’ai expérimenté la marche en pleine conscience et le travail de la présence en soi. 

 

Pour l’année prochaine, je ne sais pas encore ni où ni quand je vais marcher. Mais une chose est certaine : je retournerai sur le Chemin de Compostelle !

 

Eugène Mpundu

Coach de vie.

Commentaires: 2
  • #2

    Antonella (vendredi, 31 juillet 2020 21:25)

    Marie m a dit que vous étiez sur le chemin. Actuellement en Savoie, je marche en silence, en conscience de mieux en mieux et en pensant à vous et à tous ceux qui ont le courage de le faire. Merci pour votre témoignage. Namasté

  • #1

    Carmen Sala (mardi, 28 juillet 2020 19:28)

    Quel plaisir de te lire Eugène ! Pour ces moments particuliers que nous avons vécus en ta compagnie merci � merci pour ta bienveillance et ta capacité à écrire si facilement ce que tu ressens, expérimente, aime � ! J’espère te retrouver tout bientôt ! Avec toute mon affection ! De gros bisous �